
Alors que la France s’acharne à déployer à vitesse grand V les Zones à Faibles Émissions qu’elle a imposées à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, l’Allemagne, pays précurseur dans la mise en place des ZFE-m (appelées Umweltzonen Outre-Rhin), enclenche la marche arrière depuis déjà quelques années. Dans la région de Bade-Wurtemberg frontalière de l’Alsace (et de l’Eurométropole de Strasbourg où la ZFE-m est entrée en vigueur le 1er janvier dernier), ce sont 8 des 22 Umweltzonen du Land qui vont être supprimées au cours du printemps 2023…
Aujourd’hui, jeudi 2 mars 2023, l’association « 40 millions d’automobilistes » et Mon Automobile Club dénoncent une situation incompréhensible et inacceptable pour les Français qui subissent de plein fouet les nouvelles mesures d’interdiction de circulation, au moment-même où son voisin européen le plus en avance sur l’application des ZFE libère les usagers de ces contraintes devenues disproportionnées au regard la loi. L’association continue son combat pour préserver la mobilité et le « pouvoir rouler » des Français.
Les ZFE ont fait leur apparition dans la loi française il y a 4 ans à peine, et elle complique aujourd’hui considérablement le quotidien de millions d’usagers de la route. Dans le même temps, l’Allemagne – qui a mis en œuvre ses premières Umweltzonen dès 2008 – songeait déjà à les supprimer en raison d’une amélioration constante de la qualité de l’air qui rend désormais caduques les interdictions de circulation liées aux ZFE-m.
Une qualité de l’air en constante amélioration
L’amélioration de la qualité de l’air à l’échelle européenne est un fait incontestable. En 2021, l’Agence européenne pour l’Environnement (AEE) rapportait ainsi que, depuis 2000, les émissions des principaux polluants atmosphériques, notamment les oxydes d’azote (Nox) issus du transport, ont considérablement diminué, malgré une demande croissante en matière de mobilité (Qualité de l’air en Europe – Rapport 2020).
« Il est évident que cette amélioration est le fruit de multiples facteurs, estime Rémy Rodriguez, président de Mon Automobile Club. En outre, aucune étude scientifique ne prouve que les ZFE en particulier ont eu un réel impact sur les émissions polluantes du transport routier. Il y a fort à parier que l’évolution aurait été la même en Europe sans la mise en œuvre de ces restrictions de circulation dans les grandes villes et que, pour le cas de l’Allemagne qui les abandonne progressivement, la qualité de l’air continuera à s’améliorer après la disparition des ZFE. C’est tout le paradoxe – et l’ineptie – à laquelle vont se confronter les autorités françaises », souligne le Président.
La ZFE-m, une mesure obsolète
En vertu de la réduction constante des polluants émis par le trafic routier, l’Allemagne considère depuis plusieurs années que les ZFE n’ont plus de légitimité et donc plus lieu d’être. Par conséquent, estimant que les interdictions de circulation étaient désormais disproportionnées au regard de la situation environnementale, le ministère des Transports allemand a demandé dès 2021 aux conseils régionaux d’étudier l’opportunité de supprimer purement et simplement les Umweltzonen.
« Nous sommes en 2023. L’Allemagne, qui figure parmi les pays qui ont le plus de recul par rapport à la politique ZFE, estime qu’elles sont désormais inutiles et les supprime donc progressivement. Parallèlement, la France – qui cherche toujours à imiter ses voisins européens mais qui a toujours un train de retard sur tout ! – veut généraliser les ZFE-m en 2025. Encore une fois, on est à contre-temps et on risque de le payer très cher socialement, économiquement et politiquement », alerte Pierre CHASSERAY, délégué général de « 40 millions d’automobilistes ».
Les ZFE en France, une « bombe sociale à retardement »
Car au fur et à mesure que l’opinion publique prend connaissance de l’ampleur du dispositif et des conséquences des restrictions de circulation sur leur mobilité quotidienne, les usagers français s’opposent en effet de plus en plus violemment à la mise en place des ZFE. A tel point que de nombreux média n’hésitent plus aujourd’hui à titrer sur « la bombe sociale à retardement » que constituent les ZFE-m.
« S’il est une mesure politique ces dernières années qui fait l’unanimité contre elle, c’est bien l’instauration des ZFE-m ! Plus le dispositif se déploie et plus des voix politiques de tous bords s’élèvent pour dénoncer l’injustice sociale de la mesure et la précipitation de sa mise en œuvre au regard de l’absence d’alternatives et d’aides pour les usagers visés par les interdictions. Rappelons qu’on parle de 50 % des véhicules qui ne pourront plus accéder à 43 agglomérations grandes ou moyennes (et donc à des services administratifs, de santé, aux loisirs, aux commerces…) dans moins de 2 ans ! En appliquant aveuglément le calendrier et la mesure tels qu’ils ont été promulgués, on s’expose à une crise sociale majeure : les interdictions permanentes de circulation ne peuvent être acceptées par ceux qu’elles visent et qui ont besoin de continuer à se déplacer. », analyse encore Rémy Rodriguez, président de Mon Automobile Club.
Bientôt des solutions pour une sortie de crise ?
« Nous avons initié à la fin de l’année 2022 un vaste tour de France des ZFE – La grande boucle des exclus – au cours duquel nous sommes partis à la rencontre des automobilistes touchés par les interdictions de circulation dans les ZFE, pour comprendre leurs problématiques, leurs craintes pour l’avenir et tenter d’identifier les solutions qui leur permettraient de faire face à la mesure. Nous poursuivons cette opération en 2023, parce qu’il devient indispensable et urgent de trouver une sortie de crise au dossier ZFE. Cela passera forcément par davantage de souplesse dans la mise en œuvre du dispositif, que cela soit par un éventail plus large de dérogations ou un report du calendrier de déploiement », conclut Pierre CHASSERAY.
Le film reportage issu des rencontres et échanges avec les usagers est en cours de montage.
Pour rappel, l’association « 40 millions d’automobilistes » et la FEDA (Fédération de la Distribution automobile) s’étaient rendus dans les agglomérations de Reims, Rouen, Montpellier, Lyon, Grenoble, Saint-Etienne et Strasbourg.
« Nous avons souhaité nous associer à ’40 millions d’automobilistes’ dans La grande boucle des exclus car, en plus de l’impact social particulièrement lourd des ZFE-m, le dispositif a aussi un impact direct sur l’emploi et sur l’activité des professionnels de la filière de la distribution indépendante », explique Mathieu SÉGURAN, délégué général de la FEDA.